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Monsieur
le Préfet,
Mon général,
Monsieur le Délégué Militaire Départemental,
Monsieur le sous-préfet,
Monsieur le directeur de l’office des Anciens Combattants,
Mesdames et Messieurs les officiers, sous-officiers et militaires
du rang, Messieurs les représentants de la gendarmerie, des
pompiers et du commissariat de police,
Monsieur le président de l’UFAC,
Mesdames et messieurs les élus,
Jeunes gens, jeunes filles,
Mesdames, messieurs,
Nous venons d’assister à une belle cérémonie en mémoire de
la génération du feu qui est entrée brutalement dans le siècle,
le 4 août 1914.
Que personne ne s’y trompe : nous ne sommes pas ici pour glorifier
la guerre et les guerriers. Nous honorons des citoyens, des
citoyens pris dans la tourmente de l’histoire, des citoyens-soldats.
La guerre est une calamité et le XXème siècle, plus qu’aucun
autre siècle, a marqué une rupture et une plongée dans l’horreur
commencée en juillet 1914. Nous, qui avons la chance de connaître
la paix sur le territoire national depuis 1962, nous ne devons
pas jeter un voile d’incompréhension, de mépris ou d’ignorance
sur ces hommes, ces citoyens qui ont fait leur devoir en étant
des soldats-citoyens.
Le destin tragique de l’humanité, c’est bien de devoir faire
la guerre. Faire la guerre sans la vouloir. Faire la guerre
sans l’aimer, c’est le sort tragique du soldat-citoyen.
En quelques semaines, la guerre s’est imposée aux nations
d’Europe et au monde comme un engrenage. Des millions de français
ont été mobilisés, ont quitté le champ, l’usine ou le bureau,
ont quitté leur famille pour aller combattre, persuadés d’être
de retour avant l’hiver, persuadés de revenir vainqueurs après
quelques manœuvres. Mais le piège de la première guerre mondiale-
de la première guerre industrielle- s’est refermé sur eux
pendant quatre longues années de cauchemar, dans la boue des
tranchées.
Notre
concitoyen du Kremlin-Bicêtre, Lazare Ponticelli a connu un
sort un peu différent. Il était italien vivant en France depuis
1907. Dès le mois d’août, il s’est engagé à 17 ans avec son
frère, pour défendre comme il dit « le pays qui l’a accueilli
». Il a voulu s’engager, il a même insisté. Car son pays était
désormais la France et par sa décision il signait un pacte
d’honneur avec notre pays. Il s’est donc engagé dans la Légion
Etrangère avec laquelle il a combattu d’abord à Soissons puis
à Verdun jusqu’au printemps 1915, date d’entrée en guerre
de l’Italie aux côtés des Alliés. Après avoir tenté d’être
remobilisé par l’armée française, il finit par rejoindre contre
son gré l’armée italienne pour combattre les Autrichiens dans
les Alpes. Sous l’uniforme italien, il témoignera aussi à
plusieurs reprises de son héroïsme.
Lazare, votre destin est magnifique. Vous illustrez plus qu’aucun
autre l’ouverture de notre nation sur le monde et son attraction.
Beaucoup de gens qui naissent Français ne mesurent pas toujours
le sens et la portée de l’appartenance à une nation.
Comme tous ceux qui ont choisi d’être français, votre parcours
met mieux en évidence le sens de cette idée. Dans les circonstances
terribles de la Première Guerre mondiale, bien avant d’être
naturalisé, vous avez par votre engagement choisi d’être Français.
La France est notre pays, nous recevons beaucoup et nous devons
rendre. Le citoyen a des droits, il a des devoirs. Vous le
savez parfaitement.
Les manuels nous expliquent que la conception française de
la nation est ouverte. Le sentiment national français parce
qu’il est fondé sur la volonté est plus ouvert que d’autres
modèles nationaux fondés eux sur le droit du sang ou sur la
communauté culturelle ou linguistique. La France républicaine
est fondée sur l’égalité de tous ses citoyens quelque soit
leur origine, la couleur de la peau, les choix individuels
philosophiques ou religieux. La France est une nation ouverte,
elle est une communauté de destin et de projets. Ces mots
ne sont pas les vôtres, cher Lazare Ponticelli. Mais je sais,
par nos conversations depuis des années et par votre histoire,
que vos choix et votre vie illustrent cette conception républicaine
de la citoyenneté.
Comme beaucoup d’Italiens fuyant la misère, le hasard vous
a conduit à Nogent-sur-Marne au début du siècle dernier. A
partir de ce hasard initial, vous avez forgé un destin que
nous devons tous méditer.
A l’heure où notre pays traverse une crise nationale, à l’heure
où à la question essentielle qui pose : que faisons-nous ensemble
? trop de personnes répondent par le silence, le vide, le
doute ou un haussement d’épaule.
Votre choix d’être français, d’inscrire votre existence individuelle
dans une aventure collective par votre engagement militaire
comme par votre travail d’entrepreneur tout au long de votre
vie, mérite le plus grand respect.
C’est ce que modestement, nous avons essayé d’exprimer par
cette cérémonie en présence de Monsieur le Préfet du Val de
Marne, du général Boucher, du colonel Dodane, de la légion
étrangère qui a décidé de mettre à l’honneur l’un de ses anciens
et avec la participation, comme chaque année, de l’UFAC, du
conseil municipal, du Fort de Bicêtre, de la gendarmerie,
des pompiers, de collégiens de la ville, d’associations comme
les Restaurants du Cœur, de la Croix Rouge,et les kremlinois.
Merci à vous tous pour votre présence.
A vous, M. Ponticelli, aux autres poilus survivants, à tous
vos frères d’armes qui ont survécu aux massacres, mais aussi
au million de morts de la Grande Guerre, la République française
doit son existence.
Depuis des années, le Kremlin-Bicêtre vous rend hommage et
veut contribuer ainsi au travail de mémoire dont vous dites
« qu’il arrive tard ».
Ayons une pensée émue et respectueuse pour Maurice Floquet,
le doyen des poilus, qui nous a malheureusement quitté hier.
Aux désormais 4 survivants et aux millions de disparus, la
France consacre cette journée du 11 novembre. En souvenir
du terrible sacrifice et de cette guerre qui fut selon le
mot de George Kennan, « la catastrophe fondatrice » du siècle
dernier.
Adressons nos pensées.
Et concluons par ces mots simples et porteurs de notre avenir
commun : .
Vive la paix !
Vive la République !
Et vive la France !
Jean-Luc Laurent Maire du Kremlin-Bicêtre
[Ce
discours est en ligne sur le site officiel de la ville du
Kremlin Bicêtre
http://www.ville-kremlin-bicetre.fr/eco_empl/pages/lettreMaire5.html]
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