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Le 12 mars 2008 à 12h45 s'éteignait Lazare
Ponticelli, le dernier ancien combattant français connu de
la Grande Guerre. Mais la France comptait encore quelques
très rares vétérans, des vétérans qui n'avaient
pas ou peu combattus durant cette guerre (pas assez pour prétendre
à la qualité d'" ancien combattant "). Fernand Goux, 108 ans,
était l'un d'eux. Par deux fois nous l'avions rencontré. Deux
jours avant le 90e anniversaire de la fin de la Première Guerre
mondiale, il s'est éteint. A partir d'éléments fournis par
ses proches et des renseignements figurant sur son registre
matricule de recrutement, nous avons tenté de retracer sa
vie et son parcours militaire.
Fernand Goux naît le 31 décembre 1899, vers 23h00, à Sceaux
du Gâtinais (Loiret) chez ses grand-parents. Il est l'aîné
d'une famille de trois enfants. Ses parents sont agriculteurs
à Butteaux, non loin de La Chapelle La Reine (Seine-et-Marne).
Enfant, il fréquente l'école primaire de La Chapelle La Reine
et obtient son certificat d'études primaires en 1912. Adolescent,
il travaille activement à la ferme de son père.
Comme beaucoup de jeunes Français nés en 1899, Fernand Goux
est appelé sous les drapeaux en avril 1918. Appartenant à
la classe 1919, son matricule de recrutement est le 1048.
Le 19 avril 1918, il est incorporé dans le 85e régiment d'infanterie
sous le matricule 14 436. Affecté à l'arrière des lignes,
il participe aux opérations de ravitaillement des troupes,
enterre les corps des soldats tombés au front. Un temps il
garde prisonnier des mutins français, avec la consigne d'abattre
tous ceux qui tentent de fuir.
Le 3 novembre 1918, il passe au 82e RI qui stationne alors
sur la ligne de front, dans les Ardennes. Son nouveau régiment
vient de relever (le 2 novembre) les éléments en ligne du
407e RI. Malgré les tirs d'artillerie ennemie, le 82e RI avance
dans le secteur de Chaudion, Remaucourt. L'Armistice du 11
novembre sonne bientôt la fin des combats. Selon ses proches,
Fernand Goux, tombé malade, n'aurait pas participé à ces quelques
jours de front.
Le 2 février 1919, il retourne au 85e RI. Affecté au 72e RI
le 25 novembre 1919, il est aussitôt transféré au 45e RI (le
26 novembre). Il quitte l'armée après trois ans de service
le 23 mars 1921, muni d'un certificat de bonne conduite. Il
se retire à La Chapelle La Reine.
Rappelé au service le 4 mai 1921, il rejoint le 4e groupe
cycliste (le 9 mai) avec lequel il participe à l'occupation
des Pays Rhénans. Fernand Goux est renvoyé dans ses foyers
le 17 juin 1921 après 3 ans et 2 mois ½ de service. De retour
à la vie civile, il reprend en main la ferme paternelle à
Butteaux. Pas de tracteurs à l'époque, les cultures se font
avec deux chevaux seulement.
De son mariage avec Clara, naît une fille, Micheline, le 3
mars 1928.
Ses affectations dans l'armée de réserve sont les suivantes
: 46e RI ; CM d'infanterie n°212 (le 1er mars 1928) ; 3e bataillon
de l'air (le 15 mars 1936) ; base aérienne de Villacoublay
(1er septembre 1936) ; 3e compagnie du 102e bataillon de l'air
à Romilly-sur-Seine (le 25 janvier 1939).
Rappelé sous les drapeaux en 1939, il rejoint Villacoublay
(Yvelines) et Etampes Mondésir (Essonne). Démobilisé en septembre
1940, il rentre au pays et reprend une exploitation agricole.
Il prend sa retraite en 1965, mais continue ponctuellement
à aider ses enfants. Fernand Goux perd sa femme en janvier
1991.
Son centième anniversaire est célébré le 31 décembre 1999,
à quelques heures seulement du passage à l'An 2000. D'une
extrême gentillesse, toujours calme malgré une activité débordante,
Fernand Goux ne sera pratiquement jamais malade durant sa
longue existence. Jusqu'à ses derniers jours, il aspirait
à la tranquillité et évoquait volontiers ses souvenirs de
jeunesse. Il se rappelait encore très bien de son passage
dans l'armée française durant la guerre de 1914-1918, mais
n'aimait guère en parler.
Bien que ne possédant pas le statut officiel d'ancien combattant
français de la guerre de 1914-1918, l'armée française reconnaissait
bien sa participation à la " campagne contre l'Allemagne du
19 avril 1918 au 24 octobre 1919 " (comme mentionné dans son
dossier militaire). Au même titre qu'un certain nombre de
survivants anglo-saxons de la Grande Guerre qui n'ont pas
ou peu combattus (Stone, Babcock,…), Fernand Goux était bien
un des tous derniers vétérans de cette guerre.
[Article écrit par Frédéric Mathieu le
12 juin 2008 pour le Journal des Combattants, modifié le 17
novembre 2008 pour le site Dersdesders]
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